dimanche 23 novembre 2014

Les dégustations : Caroni dans tous ses états - Partie 2

Et voici donc la suite de ma (re)découverte de Caroni :


La "petite" dernière
La troisième, à l'instar du premier vient également d'un grand embouteilleur : Rum Nation (n'hésitez pas à aller jeter un œil à cet article - en anglais - très complet sur Rum Nation : http://thelonecaner.com/rum-nation-the-company/). Cette société italienne offre depuis de nombreuses années énormément de rhums de toutes origines (Jamaïque, Guyana, Martinique, Panama, Barbades et bien d'autres). Cette année encore, Rum Nation a ajouté quelques références à son catalogue ; un rhum blanc jamaïcain très spécial et très impressionnant mais aussi un Caroni (à 55%) et c'est celui qui nous intéresse aujourd'hui.
Il m'a été offert pour mon anniversaire en octobre (merci les amis ! :)). J'avais pu le goûter rapidement au Whisky Live et il m'avait laissé une impression positive. Une ambiance plus feutrée, des papilles vierges et du temps allaient-ils confirmer ?

Le nez, tout d'abord, est atypique de Caroni : il est gourmand ! Les fruits secs dominent, avec la noix et l'amande en tête de peloton. Des notes torréfiées apparaissent également ; vraiment très agréable.
Que ce soit au nez ou en bouche, le côté Caroni est présent mais se fait discret, il n'est là qu'en filigrane. La bouche justement, ce rhum confirme son nez : il est gourmand, même un peu sucré ! Mais loin d'être écœurant, en fait l'équilibre se créé entre cette gourmandise et les saveurs plus classiques de ces rhums de Trinidad, ça fonctionne plutôt pas mal ! Ajoutez à ça la présence de poudre à canon pour réveiller l'ensemble et vous avez un cocktail gagnant.
Le finish ne va pas sans sa touche d'olive mais olive qui aurait mariné des jours dans de la vanille. En fait, soyons francs, ce serait plutôt une gousse de vanille avec un léger arrière-goût d'olive. C'est ce que je reprocherais à ce rhum, la finale est trop sur la vanille, qui l'emporte sur tout le reste.
Conclusion : un rhum qui fait une belle entrée, un vrai plaisir en bouche mais qui malheureusement rate un peu sa sortie. N'oublions pas qu'il est à moins de 60€ tout de même !



Le Caroni agricole - ou pas
Le quatrième de notre liste nous vient d'un embouteilleur britannique de whisky. Beaucoup de ces derniers se frottent au rhum et ont quelques bouteilles dans leur catalogue. A.D. Rattray - puisque c'est de lui qu'il s'agit - est pour ainsi dire inconnu dans le monde du rhum.
J'ai découvert cette bouteille par hasard sur un site néerlandais au hasard de mes pérégrinations sur internet à la recherche de perles rares. Le prix assez attractif pour un rhum si vieux (16 ans) en version brut de fût (61.70%) et mon envie d'en savoir plus sur ces ovnis ont eu vite fait de me convaincre.

Le nez ici est un peu moins expressif et plus sur l'alcool. Cependant après un peu de temps, on y décèle deux éléments (en plus des classiques Caroni) : le bois tout d'abord, bien présent, mais surtout un arôme végétal, qui - ne me lapidez pas - a un petit quelque chose de rhum agricole ; oui je sais, voilà qui est surprenant mais je n'en démordrai pas.
En bouche, le fût est toujours là, mais viennent s'y mêler le tabac et des épices, avec principalement de la cannelle mais aussi un léger côté poivré pas désagréable. Vient se glisser une certaine douceur, le sucre brun est passé par-là. Et pour compléter ce profile intéressant, une petite touche mentholée se révèle.
Le finish est lourd et nous offre des arômes de boite à cigare (cuir et tabac). Une fois de plus le boisé, qui nous aura suivi tout au long de la dégustation, est toujours là, mais avec, une fois encore, un je ne sais quoi que l'on trouve sur certains vieux agricoles. Et de manière très fugace : l'orange. Moi, ça me plait, c'est bon quoi :)



Une mine de saveurs !
Pour boucler la boucle, le cinquième et dernier des Caroni du jour est un autre Velier, celui-ci de 17 ans, ayant été distillé en 1994 et mis en bouteille en 2011 (vieilli à Trinidad jusqu'en 2008 puis en Guyane anglaise pour les trois dernières années). Il s'agit ici de la version réduite à 52%. Une fois de plus un achat sur internet, cette bouteille ne se trouvant plus que sur internet de toute manière...

Le nez ne trompe pas : Caroni (le contraire eut été étonnant), mais... Oui il y a un "mais", il y a tellement plus là-dedans ! Au fur et à mesure de la dégustation, un nombre impressionnant de références olfactives émergent. Bois ? Oui (normal). Caoutchouc ? Oui (classique). Caramel ? Oui (ah tiens...). Café ? Oui (pourquoi pas). Praliné noisette ? Oui (heu, t'es sûr ?). Thym ? Oui (bon là tu te moques de nous !).
Pour ne rien vous cacher j'ai été très impressionné par ce nez, qui n'a cessé de changer et d'évoluer. Je ne suis normalement pas très doué pour identifier les arômes mais ce rhum-là a boosté mon égo :D
En bouche, c'est moins excentrique. L'attaque est sèche et le boisé est bien présent. L'alcool est très bien intégré et il y a du fruit (je ne pourrai pas vous dire lesquels - vous voyez, je ne suis pas si bon ^^).
Le finish est long mais est loin de saturer les papilles, il est presque doux pour un Caroni. Le bois est encore là et vient se distinguer un léger goût de rose (tiens donc !).
Bref, cette bouteille m'a réconcilié avec les Caroni de chez Velier et me donne vraiment envie d'en essayer d'autres - surtout les vieilles ! Il y en a tellement ! Par contre, une fois de plus, c'est un budget, ces bouteilles étant rares et pas toujours faciles à trouver.



Et voilà comment s'achève mon exploration de Trinidad !


J'espère que cet article vous aura plu étant donné le temps qu'il m'a fallu pour l'écrire (et pour déguster) ;)


dimanche 16 novembre 2014

Les dégustations : Caroni dans tous ses états - Partie 1

Chers lecteurs, bonsoir.


Pour la première fois depuis la création de ce blog, je vais me frotter à un compte rendu de dégustation(s). Mais comme j'aime bien ne pas faire les choses comme tout le monde, ce n'est pas une bouteille dont je vais parler mais cinq et avec un idée derrière la tête : me faire une idée plus précise et à la fois plus large des Caroni.

Ce ne sera pas la première fois que je vous parle de cette distillerie mythique de Trinidad, et je ne vous en ai pas toujours parlé en bien, je dois l'avouer. Mythique car produisant un type de rhum comme nulle part ailleurs et parce qu'elle a fermé il y a plusieurs années. En effet l'Etat décida de mettre fin à la culture de la canne à sucre en 2001, ce qui sonna le glas des activités rhumières. Autant dire que ce rhum est amené à disparaître plutôt tôt que tard ; il était donc grand temps que je m'y penche.

Il y a surtout deux embouteilleurs indépendants qui ont, au travers des années, mis ces rhums à l'honneur : Bristol Classic et Velier, chacun avec une approche différente. En effet, l'embouteilleur italien a voulu au maximum préserver la nature, l'essence et la singularité de Caroni en sortant des versions brut de fût ou réduites entre 52° et 55°. L'embouteilleur britannique, lui, présentant des versions réduites, certains diront édulcorées.

Il faut ajouter à ces deux maisons, tout un tas d'autres marques plus confidentielles, qui ont pu, d'une manière ou d'une autre, mettre la main sur un stock du précieux liquide et sortir leurs propres bouteilles.


Photo de famille
Caroni (quelle que soit la bouteille) se démarque dans le monde du rhum. Il développe des arômes qui lui sont propres ; on entend souvent : goudron, caoutchouc... Mais est-ce le cas de tous les rhums issus de cette distillerie ? Certains sont-ils moins abruptes et monolithiques que d'autres ? La gourmandise et la douceur sont-elles possibles dans ce monde de brutes ? D'autres saveurs peuvent-elles survivre à cet univers d'hydrocarbures ?
C'est pour répondre à toutes ces questions, et quelques autres, que j'ai décidé de déguster et comparer, par la force des choses, les cinq différents Caroni en ma possession.

Mais pourquoi ai-je eu... la patience, pourquoi ai-je persisté à vouloir découvrir ces rhums si particuliers alors que ma première expérience ne fut pas encourageante ? Tout simplement parce que c'est Caroni. Alors oui, ça ne vous éclaire pas tellement mais personnellement, l'idée, l'image d'une distillerie abandonnée (et pleine de fûts !), mangée par les hautes herbes, protégée par une simple grille et gardée par une vieille dame seule, eh bien, ça fait plus que juste titiller ma curiosité.
Ajoutez à ça les louanges dont ces rhums font l'objet et voilà qui justifie un minimum de persévérance !




Ma toute première
Trêve de blabla, et passons à la première bouteille, le Caroni 18 ans (distillé en 1994 et embouteillé en 2012) de Velier réduit à 55%. Si je précise ces différentes dates en plus son âge c'est pour vraiment identifier de quel rhum il s'agit (certes il y a la photo à côté mais bon :P), parce que, eh bien, chez Velier, c'est un beau bordel, il y a tellement de millésimes, de versions réduites ou non, d'âges, qu'il est très difficile de s'y retrouver ; personnellement j'ai abandonné tout espoir d'y voir clair.

C'est précisément mon premier Caroni, que j'avais acheté fin 2013 pour... et bien pour en avoir un dans ma collection. Celui-là même qui m'a rendu dubitatif quant à ces rhums pourtant si réputés. Vous comprendrez donc aisément que, bien qu'ouverte en fin d'année dernière, elle soit loin d'être vide.
Plus que simplement pour "avoir un Caroni à la maison", il m'a permis de bluffer quelques amis lors de dégustations.

Au nez, il présente les arômes représentatifs de son origine : caoutchouc (pneu), bitume, ainsi que cuir et tabac (cigare). Jusque-là rien de surprenant (pour quelqu'un qui connait déjà Caroni bien sûr).
En bouche cependant, voilà quelque chose de plus étonnant : de la rose et pas qu'un peu ! Alors évidemment, des roses qui seraient prises dans du goudron tant les deux saveurs, que l'on pourrait penser opposées, forment une alliance pas si contre nature que ça. Le souci c'est qu'il ne m'offre pas tellement plus en bouche, il a même tendance à saturer le palais. Pas de souci niveau alcool, les papilles sont tellement obnubilées par ces goûts extrêmes que les 55° passent tout seul.
Le finish est long (tellement long et marquant que le lendemain matin vous aurez l'impression d'en avoir siroté toute la nuit), on y retrouve la rose mais aussi le bois, pas si présent que ça en bouche, et l'olive noire.
Au final, une créature imposante, pour ne pas dire monolithique et pas très orientée plaisir.




Vu, acheté !
Passons ensuite au Caroni d'un embouteilleur bien moins connu (je n'en avais jamais entendu parler avant de voir et d'acheter cette bouteille), celui de Barangai Rum, de 1997, réduit, lui, à 52%.

Notons ici en passant que Luca Gargano, spécialiste en la matière, explique qu'un Caroni réduit en deçà des 52% perd de sa typicité et en serait gâché.

J'ai mis la main sur celui-ci lors de mes escapades italiennes (dont je vous ai déjà parlé en détails dans d'autres articles) à l'enoteca Arte del Bere à Lazise en août dernier. Ce fut un achat à l'aveugle, chose que je fais très rarement, mais qui me permis non seulement d'ajouter un Caroni à ma collection mais aussi de "remercier" le très sympathique Luca (un autre :P), maître des lieux.

Et que donne-t-il en dégustation ?
Au nez il n'est pas aussi massif que le précédent. On y retrouve cette "trame" Caroni mais avec un accent plus marqué sur le cuir et le bois. Quelques touches de vanille viennent adoucir l'ensemble et l'alcool se fait très discret ; cela laisse présager quelque chose d'assez "doux" en bouche.
Voyons voir si cela se confirme. Eh bien non ! C'est sec et énergique, l'alcool est bien plus présent qu'au nez. C'est boisé, et tannique mais sans être désagréable pour autant. Malheureusement il reste un peu fermé comme s'il ne s'exprimait pas au maximum de ses capacités. La très discrète salinité lui amène un petit quelque chose en plus et est complété par des notes fumées.

La finale - qui pourrait être plus longue - est à nouveau très cuir, qui sera définitivement le marqueur principal de ce rhum ; l'olive vient s'y mêler et enfin les fleurs blanches viennent parfaire ce triptyque sensoriel.



To be continued...



Partie 2
Partie 3
Partie 4

dimanche 2 novembre 2014

Une très sympathique soirée entre confrères

Chers lecteurs, bonsoir.

Dans certains de mes articles, je fais référence à un groupe Facebook : La Confrérie du Rhum.
C'est "simplement" un groupe d'échanges autour du rhum. Les 2800 et quelques membres sont composés d'amateurs en tous genres, du novice cherchant des conseils, aux professionnels partageant leur expérience.

La Confrérie du rhum (comment ça c'est écrit dessus ? :P)


Il y a quelques temps, l'un des confrères lança l'idée d'organiser une réunion, ce qui suscita immédiatement beaucoup d'intérêt (bien sûr il n'était pas question de rassembler 2800 personnes :P). Or deux des membres de la confrérie : Christian et Jerry avaient le local rêvé pour un tel événement : la boutique de l'art de vivre aux Caraïbes, chez Christian de Montaguère, dont j'ai déjà parlé sur ce blog à plusieurs reprises.


Après quelques semaines à ruminer le projet, le concept, le lieu et la date étaient fixés !
Les mardi et mercredi 27 et 28 octobre à la boutique pour une dégustation très variée et riche en surprises :)



Me voilà donc, mercredi dernier, en route vers le 6ème arrondissement de Paris juste après le boulot.

Arrivée un peu avant 19h, ce qui m'a valu un petit cadeau, étant parmi les premiers arrivés, avec entre autre des verres HSE, dont l'un est présentement le contenant d'un ti-punch tout à fait excellent.
J'échange quelques mots avec Jerry puis monte à l'étage où auront lieu les réjouissances.

Quelques confrères sont déjà là et nous nous présentons rapidement. Après quelques minutes, tous les convives sont là et le maître des lieux nous rejoint.

Notre hôte :)

Christian nous présente les rhums que nous allons déguster, au nombre de 6 et de styles tout à fait différents.

Mais avant de passer à la dégustation, nous faisons un petit "tour de table" afin que tout le monde ait l'occasion de se faire connaitre. Notons la présence parmi nous de Cyrille (créateur du Rhum Fest) et Anne, tous deux travaillant pour le magazine Rumporter, oui du beau monde :) Sans compter l'Homme à la poussette bien sûr, hahaha... ha. Désolé...

La Sélection variée du jour (de droite à gauche pour l'ordre de dégustation).

Bref, la dégustation commence.
Nous commençons naturellement par les blancs.

Je vous ai déjà parlé des deux blancs, puisque j'avais pu les goûter sur le salon Dugas. En deux mots, le Trois Rivières a un beau potentiel mais manque de puissance, le même en 50° ou 55° serait le bienvenu.
Le Nine Leaves est très intéressant, dans son style, avec ses arômes de poire et de banane.

Je passe rapidement sur le Origenes 18, typique du style espagnol et qui n'est donc pas/plus à mon goût. Le nez n'est pas désagréable mais en bouche, il ne se passe pas grand-chose et c'est très linéaire...

Le Sixty Six ensuite, on y retrouve les marqueurs de la distillerie Foursquare de la Barbade. Voilà quelque chose qui est plus dans mes préférences. Je l'ai trouvé très proche du R.L. Seales 10, donc tant qu'à faire autant acheter ce dernier puisqu'il est moins cher.

Je vous ai également déjà parlé du Libération 2012, même s'il s'agissait ici de la version réduite. C'est très simple : il est excellent ; l'intégrale (brut de fût) lui étant encore supérieure.

Et enfin (ou pas *regard mystérieux*) le Dillon 12 ans. Quand j'ai vu le line up du soir, je dois avouer que c'est celui qui m'a rendu le plus impatient.
Dillon est une marque que je connais mal et qui souffre de son image de rhum de grande surface à prix très modique. Mais voilà, il y a quelques mois, j'ai eu l'occasion de déguster leur VO (qui coûte à peine plus de 20€) et j'ai été surpris, positivement. Depuis j'en ai entendu du bien mais sans avoir l'occasion de tremper mes lèvres dans d'autres de leurs bouteilles.
Avec la rentrée, ils sortent deux nouveautés : le 7 ans et le 12 ans (ce dernier étant trouvable à moins de 50€ !).
Je n'ai pas été déçu ! Il présente un très bon équilibre entre la canne et le bois, sans que celui-ci prenne le pas sur le distillat, une grande richesse aromatique et une belle longueur.
J'en connais un qui ne devrait pas tarder à se retrouver à côté de ses petits copains agricoles dans mon étagère qui leur est réservée :)





Pensant en rester là, nous avons alors en fait eu droit à une bouteille surprise : un Damoiseau 1995 brut de fût (plus de 66° quand même, ouais ça commence à taper).

Je dois dire, au risque de heurter certaines sensibilités, que Damoiseau ce n'est pas mon truc. Celui-ci ne déroge pas vraiment à la règle même si son attaque m'a bien plu.
Le souci vient ensuite avec un boisé, qui pour moi, est trop présent et d'une nature qui je n'aime pas.

Je sais qu'il a beaucoup plu à pas mal de monde ce soir-là et tant mieux, mais il n'est pas pour moi.




Mais il serait trop simpliste de décrire cette soirée uniquement par ses dégustations.
En, effet, pour moi l'intérêt principal a été de rencontrer et d'échanger avec d'autres amoureux du rhum. C'est grâce à ça que cette soirée aura été si agréable :)
Et cette soirée n'aurait pas eu lieu sans les administrateurs de la Confrérie du Rhum et Christian de Montaguère, merci à vous tous !

Puisque nous sommes aux remerciements, merci Sylvrine pour les photos (oui comme un benêt j'ai oublié d'en prendre...).


Mais ça ne s'est pas arrêté là ! Nous avons eu droit à un ti punch préparé par Christian lui-même avec le nouveau Longueteau 2014 édition spéciale La Route du Rhum.

Il est super bien passé, le dosage parfait a dû y être pour quelque chose ;)

Exercice du bras :)



Ou comment bien finir la soirée ! ;)
On dirait une pub :D